INSOUPCONNABLE

Ce qu’il y a d’insoupçonnable dans « Insoupçonnable » ce sont les raisons (sauf si elles sont exclusivement financières) qui ont poussé un acteur intelligent, Charles Berling, et un autre tout aussi talentueux, Grégori Derangère, à jouer dans un film de taille xxs ?

Ont-ils su dès le début qu’ils étaient prisonniers de rôles platement développés ou ont-ils été otagisés par une présentation flatteuse d’un projet ambitieux ?

Ce deuxième long métrage de Grégoire Le Bomin - dont le premier « Les fragments d’Antonin » était un film subtil et sensible sur les blessures intimes que laissent la guerre dans les mémoires de ceux qui y participent - est une caricature de ce que devrait être un thriller ou un film noir.

Histoire dont chaque tiroir ouvre sur de la manipulation ou de la cupidité, « Insoupçonnable » commence par un mariage. Celui d’une jeune femme rencontrée dans un bar et d’un commissaire-priseur quinquagénaire et vaguement libidineux. Autour d’eux un faux et un vrai frère qui ne leur veulent pas que du bien.

Alourdi de clichés, étouffé par ses entrelacs d’intrigues souvent confuses, mollement défendu par des acteurs en-deçà de leur capacité, à mille lieues des références hitchockiennes revendiquées par son metteur en scène un tantinet mégalo, « Insoupconnable » n’a rien de l’écriture fluide, hantée et stratégique du roman (*) de Tanguy Viel dont il est une adaptation.

Ce qui plombe définitivement cette histoire d’un jeune couple qui tente de gruger un grand bourgeois - mais avec infiniment moins d’à propos que Bertrand Taverier dans « L’appât » - ce sont non seulement les coups bas sous lesquels elle croule, la sécheresse d’une mise en scène qui confond élégance et déshumanisation, l’involontaire risibilité de ses rebondissements mais surtout l’ennui profond qu’elle distille.

Plus redoutable et efficace qu’une injection de curare. (mca)

(*) éponyme paru aux Editions de Minuit